Ce serait génial d’avoir
une conférence online avec Mme Raïssa Malu pendant ce confinement !
Voilà comment s’est formulé le rêve de certaines adolescentes qui fréquentent
le Club socio-culturel Virunga à Kinshasa.
Rêve parce que Mme Raïssa qui est inconditionnelle pour la formation de
la jeunesse, et surtout de la jeune fille, a un agenda assez chargé, en tout
euphémisme. Rien ne garantissait donc la faisabilité de ce vœu.
Mais les enfants rêvent de
décrocher la lune et ne voient pas les obstacles. C’est ainsi qu’après
quelques démarches, nous avions la joie de fixer la date du « webinaire »
pour le 25 mai, journée mondiale de l’Afrique ! Tout un symbole! Attendez..., le thème était à la hauteur de l’évènement : « le patrimoine
scientifique de l’Afrique ».
Le premier rêve réalisé, il nous fallait matérialiser un second. Celui d’avoir
l’activité sous le format d’un webinaire. Il fallait trouver comment organiser une conférence d’une heure via zoom (très à la mode) avec
des adolescentes qui comptabilisent au grain (méga) près leur consommation
internet et qui n’en ont jamais beaucoup. A moins d’en exclure plusieurs, ce
format n’était pas possible. Whatsapp a donc été le canal choisi.
Nous avons eu la chance que la conférencière se soit gracieusement prêtée au jeu. Mme Raïssa a fractionné son exposé d’une heure en
plusieurs notes vocales qu’elle envoyait au fur et à mesure. Elle les
interrompait de questions pour voir si toute l’audience la suivait.
J’en profite pour ouvrir
une parenthèse : le geste de Mme Raissa de se mettre au niveau de
l’audience même techniquement parlant (utiliser whatsapp) a été d’un grand impact sur les jeunes
filles. Elles ont appris que vouloir véritablement aider signifie quelquefois
se compliquer la vie. Nous vous en sommes très reconnaissantes…. Mais la
prochaine fois, ce sera un vrai webinaire, c’est promis !
Comme je vous le disais plus haut,
le thème traité a été « le patrimoine scientifique de l’Afrique ».
Après une introduction et un quiz sur
l’Afrique et l’Union Africaine, des échanges ont alimenté les rêves des jeunes participantes.
Nous avions en toile de
fond, le fabuleux mail d’anticipation écrit en 2014 par Nkosazana Dlamini Zuma,
présidente alors de la Commission de l’Union africaine qui
décrivait sa vision de l’Afrique en 2063.
25 mai 1963: Création de l'Organisation de l'Unité Africaine (Crédit photo: UBA) |
Dans les lignes qui
suivent, je vous partage les rêves africains qu’ont eus les filles pendant la conférence:
- Une Afrique, foyer de culture
qui offrirait une éducation de qualité
aux étudiants.
Notre oratrice a ponctué
son exposé de plusieurs questions qui poussaient à la réflexion. L’une d’elles a été : « si nous ne prenons pas la peine de commémorer nos héros et
héroïnes ; nos hauts faits, nos combats, nos victoires et nos défaites,
qui le fera à notre place? »
C’est donc avec grande
curiosité et un grand plaisir que nous avons fait le tour des premières institutions
d’enseignement en Afrique comme Ez-Zitouna Madrassa à Tunis fondée en
737, suivie de Al Quaraouiyine fondée en 877 à Fez et la madrasah de Sankore au
Mali au 12ième siècle, première institution d’enseignement supérieur
en Afrique noire. La première université de type occidental fut le
Collège de Foura Bey fondé en Sierra Leone en 1826.
Aborder le thème de l'éducation nous a conduit à rêver d'une révolution en matière de compétences en Afrique avec des systèmes
éducatifs transformés pour former des jeunes qui ont le sens de l’innovation et de
l’entreprise et qui posséderaient en même temps de fortes valeurs panafricaines.
Ce fut beau d’imaginer la
naissance d’universités africaines virtuelles et électroniques qui développeraient des ressources
pertinentes et de haute qualité pour un enseignement libre, à distance et
électronique.
Source: Wikipedia |
Après chaque note vocale,
Mme Raissa disait : vous n’êtes pas d’accord, les filles ? Et elles
répondaient en chœur ou en « chat » : D’accord !
L’expérience a été assez unique !
- Une Afrique intégrée,
prospère et pacifique dirigée par ses propres citoyens et représentant une
force dynamique sur la scène internationale
Une Afrique où les
citoyens utiliseraient activement leurs propres ressources, où ils
deviendraient des leaders mondiaux dans
leurs secteurs. Imaginons Kinshasa
devenir la capitale mondiale de l’innovation dans tous les domaines. Ce serait magnifique, n’est-ce pas, les filles ? Et la réponse ne se fit
pas attendre : OUI, Madame !
- Une Afrique où les
connaissances indigènes séculaires rencontrent la science moderne pour trouver
des solutions aux problèmes.
Il est important de valoriser le patrimoine scientifique des peuples ancestraux en Afrique. Mme Raïssa a suggéré deux livres : L’histoire mondiale des sciences par Colin Ronan et l’histoire populaire des sciences par Clifford Conner. Des livres magnifiques mais dans lesquelles l’Afrique brille assez par son absence. En effet, le caractère « scientifique » a souvent été nié au savoir africain d’autant plus que son mode de transmission a souvent été oral, pictural ou artistique.
D’où les questions
profondes posées par Mme Raissa aux filles : « est-ce que parce que
je ne réfléchis pas en utilisant les mêmes outils que vous (Occidentaux) ; ou que je n’utilise pas le même langage mathématique,
est ce pour autant que mes connaissances
et ma compréhension des choses sont-elles fausses ? Est-ce pour autant qu’elles ne valent pas la
peine d’être entendues ou reconnues? Pourquoi est-ce finalement si
important au fond de gagner l’appellation scientifique de nos
connaissances ? Pourquoi une connaissance déclarée non scientifique,
serait balayée d’un revers de la main ou oubliée ?
Il nous faudra encore
une année scolaire pour digérer et réfléchir à tout ça.
Il a été rappelé à la jeune audience qu’une de leurs tâches dans le futur sera de rassembler les deux mondes : nos connaissances ancestrales avec la puissance des sciences modernes. Et c’est à ce moment qu’un clin d’œil a été fait à nos amis malgaches et au Covid-Organics.
Nous avons donc rêvé de
futures expertes en ethnomathématique ou ethnoscience. Termes dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à ce 25 mai.
L’Ethnomathématique est l'étude du
rapport entre les mathématiques et la culture. Nos futures expertes en
ethnomathématiques pourraient alors faire des recherches sur l’os d’Ishango
découvert sur les rives du lac Edouard. A quoi servait-il exactement ? L’utilisait-on pour la pêche ou pour le
commerce ? Tant de questions que nos futures spécialistes pourraient
élucider. Elles pourraient également vulgariser toute la richesse scientifique
que renferme l’art Sona des Tshokwe.
Graphes Sona Source: indexgrafik.fr |
L’Ethnoscience quant à
elle est une branche de
l'ethnologie qui étudie les concepts et les systèmes de classification que
chaque société élabore pour comprendre la nature et le monde. Nos expertes dans ces sciences pourraient
étudier et documenter les savoirs immenses des pygmées par exemple.
Mais pour réaliser ces
rêves, il faut se réveiller et se mettre à la tâche. Par où
commence-t-on ?
- Par les Etats qui doivent
fournir un minimum en termes d’éducation, d’accès à l’eau, à l’électricité
et à Internet. Ils devraient aussi créer des environnements adéquats pour le
fleurissement d’Entreprises privées.
Les Etats devraient aussi qui vulgariser l’agenda 2063 pour l’Afrique afin que chacun à son niveau (province, université, écoles, etc.) s’en approprie et voit dans quelle mesure avec les moyens à disposition, il pourrait faire un pas vers le changement. - Par chacun de nous : pour faire chacun à son propre niveau tout ce qui est possible
Pour les filles, il s’agit de bien étudier, de devenir compétente chacune dans son domaine et d’ensuite d’aider celui ou celle qui en a besoin.
C’est avec ce processus de tache d’huile (aller de proche en proche) qu’il sera possible d’arriver à un changement global au niveau d’un pays.
Une dernière chose soulignée a été de connaître, valoriser et faire connaître notre culture et nos valeurs. Les filles ont été encouragées à avoir l’intelligence de bâtir le futur en partant du passé. L’objectif étant de ne jamais revenir en arrière mais de ne jamais oublier non plus d’où on vient. A cette intelligence, il faut aussi joindre le courage pour questionner les traditions afin de les faire évoluer en fonction du contexte présent. Un domaine d’application de ce conseil peut être l’écologie ou la gestion de crise.
L’exposé s’est conclu par
un jeu de questions et réponses où l’on a mentionné le réacteur nucléaire de
Kinshasa (Unikin ), le goût pour les sciences de Mme Raissa Malu et l’inquiétude
face à l’inaction dans la mise en œuvre de l’agenda 2063.
Le webinaire a pris fin
sur une touche d’espérance en lisant l’hymne
de l’Union Africaine.
Unissons-nous tous et
célébrons ensemble,
Les victoires remportées
pour notre libération.
Engageons-nous et
levons-nous comme un seul Homme,
Pour défendre notre
liberté et notre unité.
Ô Fils et Filles de
l’Afrique,
Chair du Soleil et Chair
du Ciel,
Faisons de l’Afrique
l’Arbre de Vie. Voir la suite de l'hymne à ce lien.
MERCI à Mme Raïssa Malu
pour la disponibilité. Les filles étaient ravies, conscientes d’avoir participé
à un GRAND moment!
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